On me dit méchant, sec, hautain. On m'attribue des flammes d'exception. On prétend que ne n'aime ni chiens ni enfants...
Je n'aurai certes pas le mauvais goût de nier ces vérités éclatantes.
J'ajoute que je chante la gloire de mon nom sur des tombes aux épitaphes effacées, que j'insulte des vaches au hasard en Normandie, que je traîne mes guêpes autour de cerceaux noirs et jaunes, que j'ai le mot pour luire, des larmes qui perlent, le secret de décrets subjectifs, des traits d'esprit suggestifs, des craies aux prix du sucre. Bref, que je suis un fat décrié, un joueur de chameaux décrit comme bosseur, un farceur de dindonneau qui bûche sur des tonneaux, ne roulant que pour braire : en fait un drôle d'âne plein d'air, une haute ruche perchée sur ses piques.
On affirme que je ne suis pas une tendre compagnie, que je refuse de chanter en choeur, que je porte des masques de rat. A ceux-là je réponds qu'en effet je ne suis guère "escargotiquement" conforme, que je ne marche qu'au son de mon luth, que je suis un authentique radin.
Certains me prêtent des sentiments peu flatteurs, des crachats longs, des humeurs rares. Il est vrai que j'aime morguer mon semblable. J'ai le port du gant blanc méprisant, la moue affectée, des impatiences pleines de prétentions.
La vérité, c'est que mes détracteurs voient des ânes là où m'apparaissent des pégases...
On me prend pour un cerf vaniteux, un porteur de rien du tout, un bégayeur de basse-cour, un gallinacé déplumé.
Je suis bien mieux que tout cela : mes pattes commencent par un R et finissent par un A. Entre les deux courent, rayés de la tête aux pieds et embaumés de mystère bien saboté, deux sacrés grands zèbres ailés.
dimanche 20 mai 2007
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